La maison bioclimatique : construire avec le climat

Claire Caron, Habitat Naturel

 

        Effet de serre aidant, on reparle d’habitat solaire. En fait, on pense surtout à des maisons équipées de capteurs solaires. Une autre voie, peu connue bien que plus ancienne, fait appel à des solutions architecturales simples. Qualifiée dans les années 70 de « solaire passif », l’architecture bioclimatique utilise des techniques de construction éprouvées, pour des maisons confortables et économes en énergie.

 

 

        Une maison ancrée

Nos anciens concevaient intuitivement des édifices adaptés aux potentialités de chaque région. La construction bioclimatique, parfois dite « climatique », retrouve ce savoir-faire. Elle est adaptée au climat local, dont elle se protège des rigueurs pour apporter le confort thermique à ses occupants. Elle utilise les potentialités et les contraintes de l’environnement immédiat : l’ensoleillement, la pente et le relief du terrain ou encore la végétation, pour obtenir une enveloppe performante, récupérant les apports solaires passifs. Le bâtiment diminue fortement ses besoins de chauffage, tout en maintenant une température agréable en été.

 

 

        Le bon sens… chez vous

 

La démarche bioclimatique repose sur des principes simples, que nos concepteurs d’« abris technologiques normalisés » ont quelque peu oublié :

-         utiliser le relief et la végétation pour se protéger des vents froids d’hiver (l’effet « écrin »)

-         enterrer partiellement ou totalement la partie nord de la maison

-         adopter une forme compacte, avec un bon coefficient de forme (faible rapport surface / volume)

-         orienter la façade principale plein sud et y disposer les pièces de vie (séjour, cuisine, chambres) ; augmenter leur surface vitrée, intégrer une serre ou accoler une véranda, pour valoriser les apports solaires d'hiver

-         poser une isolation renforcée, sans pont thermique (extérieure ou répartie, de type « monomur ») pour réduire drastiquement, selon la saison, les déperditions ou les apports indésirables ; isoler les fondations (en périphérie et verticalement) plutôt que le sol, pour bénéficier de son inertie thermique (capacité à s’opposer aux variations de température)

-         réserver l’exposition nord aux pièces de service (garage, cellier) qui deviennent des espaces « tampon » (non chauffés, ils participent à l’isolation) ; diminuer la surface vitrée aux stricts apports de lumière

-         créer un sas d’entrée pour limiter les entrées d’air parasites

-         choisir des matériaux de construction lourds, à forte inertie, pour stocker les apports externes (soleil) et internes (chaleur de la cuisson, de l’éclairage et de l’électroménager)

-         adopter des couleurs sombres pour le sol et les murs qui reçoivent le soleil direct (meilleure captation)

-         se protéger du soleil d’été

Bien que l’application empirique de ce cahier des charges garantisse un excellent confort thermique et une facture de chauffage légère, il est recommandé de faire appel à l’homme de l’art : un architecte « solaire » apportera son savoir-faire et créera une construction efficace et esthétique.

 

 

 photo claire Caron

Une architecture de soleil

Résolument ouverte au sud, avec de grandes baies vitrées, la maison ainsi conçue optimise les gains solaires. En même temps, elle est baignée de lumière naturelle, au bénéfice du confort visuel et sans recourir à la lumière artificielle. Vu les grandes surfaces vitrées, le recours au double vitrage à isolation renforcée diminue fortement la sensation de paroi froide, les jours sans soleil et la nuit. La serre est l’emblème de la démarche bioclimatique. Enclavée, elle est plus efficace qu’accolée, ses parois de séparation avec la zone habitée devenant des murs capteurs-accumulateurs. L’idéal, quand la construction s’y prête, est de la réaliser sur deux niveaux. Pour un transfert aisé de la chaleur solaire par thermo-circulation, il suffit d’ouvrir les baies vitrées. L’air chaud, plus léger, monte à l’étage. Il est remplacé par l’air plus frais, au rez-de-chaussée. En cas d’absence, des ouvertures basses et hautes dans les murs permettent ce transfert (serre Trombe). Les vitrages en toiture sont déconseillés : sauf à recourir à des stores extérieurs efficaces, les surchauffes sont ingérables. La serre offre un espace de vie agréable, propice à la farniente et à la créativité botanique.

 

       

 photo claire Caron

 

Eloge de la passivité

La captation de la chaleur solaire est passive : les matériaux lourds se contentent de s’échauffer. De l'air chaud circulant naturellement et transfère de la chaleur dans les parties reculées du bâtiment. On parle de gain direct au travers des vitrages, qui sont les capteurs solaires les plus simples, les moins chers et les plus faciles à intégrer. Jusqu’aux deux tiers des besoins de chauffage sont ainsi couverts gratuitement. Une contrainte : pas d’obstacle au soleil, pendant la saison de chauffage. La végétation, à feuillage caduc au sud, laisse passer le soleil l’hiver et l’arrête l’été. Grâce à la course du soleil au fil des saisons, l’exposition sud est le meilleur compromis entre sa pénétration, quand on en a besoin pour se chauffer et la protection contre son excès en été. Les jours sans soleil, un chauffage d’appoint est nécessaire. Le poêle à bois au milieu de la maison, véritable chauffage « central », est devenu classique dans les maisons bioclimatiques. Un chauffe-eau solaire parachève la démarche solaire.

 

 photo Michel Pujol

Survivre l’été

Réchauffement du climat oblige, il faut plus que jamais prendre en compte le confort estival. Les grandes surfaces vitrées pourraient faire craindre le pire. En réalité, la construction climatique est avantagée, sa forte inertie limite les surchauffes et « lisse » la courbe de température : comme dans les maisons de pierre, les parois et le sol restent frais. Réduire les vitrages ouest est également un facteur de confort car il limite la pénétration du soleil de l’après-midi, encore haut dans le ciel et aux heures les plus chaudes. Il est indispensable de prévoir des protections solaires efficaces : casquettes (débords de toiture), décrochement de façade et rideau végétal à l’ouest, pergola végétalisée et stores clairs devant les vitrages exposés. Enfin, la ventilation évacue, en même temps que l’air vicié, l’excès de chaleur. Elle est favorisée la nuit (surventilation) pour rafraîchir les murs mais réduite aux heures les plus chaudes. Un puits canadien (gaine de ventilation enterrée, qui rafraîchit l’air de plusieurs degrés) complète la climatisation naturelle.

 

 

Une démarche globale

Une construction n’est écologique et à faible impact environnemental que si elle utilise des matériaux à faible énergie grise (celle du cycle de vie, du « berceau à la tombe »). A quoi bon une maison qui consomme le moins d’énergie possible, si elle en a dépensé beaucoup à la construction. Les matériaux naturels tels que le bois et la terre crue, les meilleurs sur ce critère, sont à privilégier, plutôt que la brique (par ailleurs un excellent matériau), le PVC et surtout l’aluminium. Mention spéciale au bois, le meilleur puits de carbone : 2 tonnes de bois piègent 1 tonne de CO2. S’il ne manquait pas d’inertie thermique, il serait le matériau idéal.

Trop cher ?

Une maison bien conçue ne coûte pas beaucoup plus cher qu’une maison ordinaire. Les 10 à 15% de surcoût sont effacés, sur le moyen terme, par la réduction de 30 à 50% des charges d’énergie. De plus, on s’affranchit des aléas et des fluctuations de prix des énergies conventionnelles : le soleil n’envoie pas de facture ! Et il n’y a pas d’entretien et d’usure d’équipements, ni de panne. L’assistance de l’architecte s’avère aussi une bonne opération : on récupère ses honoraires grâce à l’optimisation des solutions architecturales et la plus-value esthétique acquise par la maison.

 

 

Les freins

L’architecturale bioclimatique reste marginale. La faute en revient à une méconnaissance de la part du public. Du coup, il n'y a pas de demande pour ce type de maison. La formation initiale des architectes à la démarche est minimale et peu s’y intéressent. Certains font parfois du bioclimatique, sans l’annoncer à des clients qu’ils sentent réfractaires au solaire. Les bureaux d’études thermiques ne disposent pas de logiciel de simulation spécialement adapté au solaire passif. Les pouvoirs publics ne sont pas plus moteurs dans ce domaine, quand ils ne mettent pas des bâtons dans les roues, en refusant les grandes surfaces vitrées sud. Si faire accepter son projet relève parfois du parcours du combattant, il faut partir gagnant et y croire, car il s’inscrit dans la durabilité.

 

Le point de vue d’un architecte

Habitat Naturel : Sentez-vous un regain d'intérêt pour le bioclimatique?

Jocelyn Fuseau : Dans les années 90, quand je parlais de maison se chauffant au soleil, j'étais pris pour un martien. Depuis peu d’années, je sens un changement de mentalités. L’augmentation du prix du pétrole, la dégradation du climat et le sentiment d'une humanité en surexpansion, sur une terre qui ne grandira jamais n’y sont sans doute pas étrangers. La place de l'homme semble se rediscuter, avec la notion de consommation.

HN : Quelle est votre conception du bioclimatisme ?

JF : Elle repose sur la notion que les parois extérieures de la maison (toiture et murs au sud) reçoivent le soleil, ce qui contribue à chauffer les espaces intérieurs. Deux principes simples en découlent : disposer des vitrages recevant le soleil en hiver mais peu en été, stocker la chaleur reçue le jour dans la « peau intérieure » lourde pour la restituer la nuit. Le phénomène se produit naturellement, passivement. On n’a rien à faire, ça marche tout seul. Il suffit que l'architecture s'y prête.

HN : Voyez-vous un rapport avec la bio-construction ?

JF : Bien sur. Le bioclimatisme implique l'énergie solaire, renouvelable et l'absence d’équipements consommateurs à la construction, à l’entretien et à la déconstruction. Les matériaux naturels répondent à ces exigences : la terre cuite par exemple et surtout la terre crue ont d'excellentes propriétés de stockage de chaleur solaire. La nature nous donne simplement ce dont nous avons besoin.

 

Le bioclimatisme commence à conquérir l’habitat collectif et social : les maisons accolées ou superposées s’y prêtent. Il existe également de beaux exemples de réhabilitations d’anciennes maisons, dans cet esprit. Si la maison bioclimatique a toujours une longueur d’avance sur la réglementation, elle n’est pas qu’une machine thermique faiblement consommatrice, qui se joue des aléas climatiques et génère de la volupté thermique. Elle est aussi chargée d’imaginaire, de créativité, d’émotion. Alliant rusticité et intelligence, le bioclimatisme engendre de belles constructions, insérées dans les cycles naturels.

 

 

Bibliographie

Construire avec le climat (Ministère de l’environnement et du cadre de vie -1979)

Le guide de l’énergie solaire passive (Edward Mazria – Ed. Parenthèses 1979)

L’habitat bioclimatique (Roger Camous & Donald Watson – Ed. L’étincelle 1983)

Vécu de l’habitat bioclimatique chauffé par un foyer fermé à bois (CEDER 1993)

Architecture bioclimatique. Une contribution au développement durable. 2 tomes (Pierre Lavigne – Ed. Edisud 1994)

Guide de l’architecture bioclimatique (Ed. Systèmes solaires – 6 volumes, de 1996 à 2004)

Systèmes solaires n° 163 (sept/oct. 2004) Spécial architecture : lauréats du 9ème concours Habitat solaire habitat d’aujourd’hui

 

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